mardi 12 janvier 2010

Les travers de la démocratie participative

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Les travers de la démocratie participative

Michel Koebel
La démocratie représentative est, dit-on, en crise. Pour y remédier de nombreux hommes et femmes politiques promeuvent depuis quelques années l’idée de démocratie participative. Mais celle ci reste très souvent sous le contrôle des élus locaux ou appareil partisans.

Le principe de la démocratie représentative est placé au cœur du fonctionnement de notre République. Il est inscrit dans l’article 3 de la Constitution de 1958 : « La souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants. » Ce même article précise qu’« aucune section du peuple ni aucun individu ne peut s’en attribuer l’exercice ». L’analyse des professions des députés montre que plus de 70 % d’entre eux appartiennent à la seule catégorie des cadres et professions intellectuelles supérieures. Une étude similaire portant sur les maires des villes de plus de 3 500 habitants a montré que plus de 66 % d’entre eux appartiennent à cette même catégorie (1). Quand on sait que le pouvoir des collectivités est proportionnel à leur taille et que ce pouvoir est concentré sur le maire (et quelques adjoints et fonctionnaires haut placés), on peut sérieusement se poser la question suivante : une section du peuple, en l’occurrence un groupe social caractérisé par un capital global élevé (culturel, économique et symbolique), ne se serait-elle pas attribué l’exercice du pouvoir en France ? Ne sommes-nous pas sortis du cadre constitutionnel que nous nous étions fixé ?

La décentralisation en question

Cette forte sélection de l’accès au pouvoir est connue, sinon suspectée, depuis fort longtemps, et a même fait l’objet de tentatives de redressement. Tout au long du xxe siècle, certaines organisations politiques ou syndicales (en particulier le Parti communiste) ont voulu permettre à des membres de la « classe ouvrière » d’accéder au pouvoir, à travers la mise en place de formations par exemple (et avec une certaine réussite). Le processus de décentralisation lui-même, aussi bien dans les années 1980 que dans les années 2000, s’est accompagné de discours de justification autour de l’idée qu’elle rapprocherait les élus des citoyens et de la réalité sociale. Le président de la République argumente ainsi son soutien à la relance de la décentralisation (dans un message adressé au Parlement le 3 juillet 2002) en affirmant que « les décisions intéressant nos concitoyens devront être prises au niveau le plus proche des réalités ». Ce type d’argumentaire est fréquent et repose sur l’idée que la proximité spatiale conférerait automatiquement une plus grande compétence pour comprendre la réalité – fût-elle locale – et permettrait d’agir de manière plus efficace, plus utile, plus juste. Le local serait un espace de proximité allant de soi. Or rien ne le prouve. Le fait que la grande majorité des détenteurs des postes de pouvoir local appartient aux catégories socioprofessionnelles les plus aisées tend même à prouver le contraire : les manières de penser et d’agir sont fortement corrélées au milieu social. Il est facile de prétendre représenter tous les habitants et incarner l’intérêt général. Mais une telle faculté de décentration sociale est quasiment impossible, sauf au prix d’une grande réflexivité et d’une socioanalyse approfondie, auxquelles les hommes de pouvoir ne se prêtent pas.
Dans le même ordre d’idée, le principe selon lequel le local incarnerait la politique au sens noble du terme est également une idée reçue. Depuis les années 1980, et les premiers effets de la décentralisation, la concentration du pouvoir aux mains d’une élite politique et sociale n’a fait que s’accentuer en France. L’espace local est devenu un lieu de reproduction de la distance sociale tant dénoncée comme fracture au niveau national (2).
L’une des raisons tient au mode de scrutin appliqué aux communes de plus de 3 500 habitants depuis 1983 : le scrutin de liste (à liste bloquée) favorise la concentration du pouvoir sur la tête de liste. La « prime au vainqueur » (50 % des sièges avant l’application de la proportionnelle) donne une large – et le plus souvent une écrasante – majorité à la liste gagnante, ce qui étouffe le débat démocratique au sein du conseil municipal et rend inutile tout projet venant de l’opposition. Même à l’intérieur du groupe majoritaire, la concentration du pouvoir sur le maire laisse l’élu ordinaire le plus souvent sans voix, tant il doit faire allégeance à celui qui a bien voulu le placer en position éligible sur sa liste au moment de la constitution de celle-ci (3).
Les exceptions existent bien entendu. Mais le faible nombre de citoyens présents aux séances publiques des assemblées délibérantes rend le tableau plutôt sombre.
L’autre raison tient à l’accroissement des responsabilités des élus locaux. Les compétences nécessaires à la conquête puis à l’exercice d’un mandat de maire sont de plus en plus sélectives. En l’absence de formation du plus grand nombre à la compréhension des enjeux économiques, sociaux et politiques d’un territoire, seuls s’en sortent ceux qui y ont été sensibilisés dès leur enfance dans leur famille, puis du fait d’études de haut niveau ou parce qu’ils exercent des professions dont les compétences peuvent être facilement reconverties dans le champ politique (avocat, professeur, chef d’entreprise…). Il n’est pas impossible de forcer le destin, mais les cas sont beaucoup plus rares, comme celui de cette ouvrière d’usine devenue maire de Louvroil (7 300 habitants dans le Nord) et qui a fait l’objet d’un documentaire : « Au nom du maire » (réalisé par Isabelle Ingold en 2005). Ce que le film ne dit à aucun moment, c’est tout le parcours militant qu’il a fallu à cette ouvrière. Un parcours syndical (jusqu’à faire partie du bureau national de la CGT) et politique (jusqu’à devenir présidente de la fédération PCF du Nord et obtenir une vice-présidence de la région Nord-Pas-de-Calais) – qui l’a finalement conduite à briguer et à conquérir en 2001 la mairie de Louvroil, qui était pour elle un symbole : la ville avait obtenu le score le plus élevé du Front national dans la région aux élections municipales de 1995.
Le recours aux ressources qu’offrent les partis politiques est lui aussi de plus en plus indispensable à la conquête du pouvoir local : quasi systématique dans les grandes villes depuis longtemps, il commence à devenir nécessaire aussi dans des villes de plus petite taille.
Les autres niveaux territoriaux ne sont pas en reste, y compris et surtout les structures intercommunales, dont le pouvoir est grandissant, mais où l’accès s’opère par un double filtrage, puisqu’il s’agit de représentants de représentants.
Quand on ajoute à ces constats une forte dose de médiatisation de la « fracture sociale » et de la « crise de la démocratie représentative », il n’en faut pas plus pour convaincre une partie des élus de faire de la réduction de cette fracture un de leurs chevaux de bataille.

Démocratie directe, participative…

Comment s’y prennent-ils ? Les réponses sont variées mais les discours se ressemblent : démocratie directe, démocratie participative, nouvelles formes de démocratie… On voit fleurir ici et là des conseils municipaux d’enfants ou de jeunes, des conseils consultatifs d’étrangers, des conseils de sages, ou d’anciens, des conseils de quartier. Toutes ces initiatives sont censées pallier un déficit de participation des jeunes, des vieux, des étrangers, des habitants d’un quartier… Heureusement, personne n’a jamais osé mettre en place un « conseil de femmes » aux côtés du conseil municipal officiel… Pourtant, cette catégorie de population est au moins aussi absente des positions de pouvoir politique que les personnes âgées. La loi sur la parité du 6 juin 2000, appliquée aux communes de plus de 3 500 habitants, a peut-être augmenté la proportion de femmes dans les conseils municipaux (en la faisant passer de 25,7 % en 1995 à 47,5 % en 2001), mais, dans le même temps, la proportion de femmes maires dans ces communes n’est passée que de 4,4 % à 6,7 % (4), ce qui provoque un paradoxe amusant : c’est dans les communes où la loi sur la parité ne s’applique pas que la proportion de femmes maires est la plus élevée (11,2 % dans les communes de moins de 3 500 habitants).
Cette perspective saugrenue a au moins cette vertu de nous faire comprendre que le fait d’octroyer la parole à certaines catégories de la population revient en quelque sorte à affirmer leur relative incapacité à prendre part au débat public, à prendre le pouvoir.
Ces réponses sont-elles aussi nouvelles que les élus veulent bien le faire croire dans leurs discours ?
En fait, il règne une certaine confusion des genres. Ainsi, Claude Allègre (interrogé par LCI le 26 juin 2006) parle de « démocratie directe » en évoquant la possible retransmission télévisée du Conseil des ministres proposée (puis démentie quelques jours plus tard) par Dominique de Villepin, comme si les téléspectateurs pouvaient s’exprimer et participer à une décision en regardant la télévision. Il ne suffit pas de « faire du direct » pour faire de la démocratie directe. Roselyne Bachelot (sur France Culture le 6 novembre 2006) parle de « démocratie participative » en évoquant une plus juste représentativité dans l’élection des parlementaires en France. Là aussi, confusion des genres : il ne s’agit de rien d’autre que d’un problème de démocratie représentative. Mais ces confusions dépassent l’anecdote. Quand on étudie un tant soit peu les dispositifs mis en place, quand on n’en reste pas aux discours convenus et aux « innovations démocratiques » qu’ils prétendent incarner, nous pouvons parfois constater que la réalité observée est exactement le contraire de la réalité escomptée par les élus.

Le principe de participation octroyée

Il en est ainsi des conseils municipaux d’enfants. Dans la quasi-totalité des cas (et ils sont nombreux : près d’un millier en France), les enfants de la commune concernée sont amenés à participer à des élections selon des rites proches de ceux de leurs aînés. Les enfants ainsi élus représentent leurs électeurs dans une structure qui ressemble beaucoup au conseil municipal : le nombre d’élus est calculé à partir de celui des élus adultes, les enfants se réunissent en commissions et en séances plénières, parfois sont élus un maire enfant et de petits adjoints… Où est la démocratie participative ? Où est la démocratie directe ? En quoi s’agit-il d’une innovation démocratique ? En fait, il s’agit tout simplement de la parfaite reproduction des principes de la démocratie représentative. On y importe du même coup tous ses petits et grands défauts : sélection sociale des élus, forte abstention (quand les élections n’ont pas lieu dans le cadre pédagogique contraignant de la classe), difficultés dans la relation entre élus et électeurs, selon une logique où, à la responsabilité plus grande des uns correspond une déresponsabilisation des autres (principe de délégation).
Les conseils de quartier présentent d’autres types de paradoxes. Ils ont récemment été institutionnalisés et rendus obligatoires dans les communes de plus de 80 000 habitants (5). Cela peut paraître de prime abord une avancée en matière de démocratie participative. Rappelons d’abord que le nombre de communes concernées par cette obligation n’est que d’une cinquantaine en France… Ensuite, leur composition et leur mode de fonctionnement sont fixés par le conseil municipal, c’est-à-dire le maire. Cette forte dose de contrôle municipal du dispositif, inscrit dans la loi, n’est guère étonnante quand on sait que près de 90 % des parlementaires ayant amendé le projet initial puis voté cette loi cumulent leur mandat national avec un ou plusieurs mandats locaux (6). Nombre de ces élus locaux ne tiennent pas à perdre du pouvoir dans leur territoire. Certains d’entre eux reprochent régulièrement aux dispositifs de démocratie participative de remettre en cause la légitimité de leur pouvoir et mettent en avant leur légitimité électorale et la confiance que la majorité des habitants a exprimé lors du vote. Les conseils de quartier incarnent bien le principe de participation octroyée, cas le plus fréquent dans la démocratie participative (au détriment de la parole conquise par les habitants), dans des formes contrôlées par le détenteur du pouvoir local qui vont très vite se révéler socialement discriminantes. En effet, comme l’ont montré les études menées par Loïc Blondiaux (7), lors des réunions ouvertes aux habitants d’un quartier, les prises de parole des uns et des autres vont être diversement valorisées selon les caractéristiques du locuteur. Le maire ou l’adjoint vont être présentés en tant que tels, ce qui a pour effet d’asseoir d’entrée leur prééminence, de rappeler leur pouvoir et ainsi de légitimer leur discours. Le technicien est présenté comme spécialiste du dossier ; le langage qu’il utilise ne laisse d’ailleurs aucun doute sur ce point. Il est ainsi armé face à d’éventuelles tentatives de remise en cause de la part de citoyens ordinaires dont les critiques peuvent ainsi être facilement balayées. Ces derniers n’ont d’ailleurs pas préalablement accès aux dossiers, et même s’ils l’avaient, encore faudrait-il qu’ils disposent des compétences techniques pour le comprendre. Les interventions vont être diversement accueillies, entre d’un côté le représentant d’une association importante ou le représentant d’une institution, et de l’autre l’habitant ordinaire, qui ne parle que pour lui-même. Ce dernier, pour peu qu’il ne sache pas bien s’exprimer en public, qu’il montre sa colère en haussant le ton, ou qu’il expose maladroitement une revendication proprement individuelle, va faire l’objet de recadrages, de remarques sur des manières plus acceptables de s’exprimer, de rappels sur la prééminence de l’intérêt général des habitants du quartier. Autant de remarques qui dévalorisent celui dont les mots, le ton et le statut ne conviennent pas à la situation et ôtent toute valeur au contenu de ce qu’il tentait d’exprimer. Il n’est même pas question de tous ceux, présents, qui ne parviennent pas du tout à exprimer leurs idées, et encore moins de tous ceux qui ne participent pas aux réunions de quartier, généralement plus de 98 % de la population concernée.

Des formes de discrimination sociale

Ces formes de discrimination sociale ne se limitent pas aux conseils de quartier et se retrouvent dans de nombreux dispositifs de participation des habitants. Des effets analogues ont été repérés par Cécile Blatrix dans la procédure de l’enquête publique, en y ajoutant le quasi nécessaire passage à l’écrit, qui opère un filtrage supplémentaire (8).
Le niveau de revenus, le quartier d’habitation, le niveau d’études et la position professionnelle, tant par le prestige social qu’elle apporte que par les compétences qu’elle permet d’exercer et auxquelles elle permet de s’exercer (prendre la parole en public, gérer des dossiers complexes, gérer des ressources humaines et financières), sont autant de caractéristiques qui seront pour les uns des portes d’accès et pour les autres des barrières, parfois insurmontables. Les formes de participation proposées, conçues par des membres de catégories sociales supérieures, sont plus adaptées à ceux qui possèdent déjà les codes de ce milieu social et qui maîtrisent l’art de masquer leurs intérêts privés et personnels dans leurs discours et leurs stratégies. La bonne volonté de certains élus locaux, celle d’avoir voulu donner la parole aux citoyens et les associer aux décisions locales, est ainsi rattrapée par des logiques de discrimination sociale, parfois tout à fait involontaires, tant les élus pensent pouvoir faire abstraction de – ou ignorer simplement – l’influence de leur origine et de leur position sociales sur leur façon de penser, de concevoir et d’animer la démocratie participative dans leur territoire.
Au final, on peut considérer que les dispositifs que l’on désigne sous l’appellation générique de « démocratie participative » sont tous sous l’autorité exclusive des exécutifs locaux, soit parce qu’ils sont encadrés par des textes législatifs qui leur donnent cette autorité, soit parce qu’ils sont conçus et organisés par les élus et sont alors juridiquement sous leur entière responsabilité. Tant que ces dispositifs seront pensés et dirigés par ceux qui concentrent le pouvoir politique dans l’espace local, cette participation, accessoire politique devenu aujourd’hui nécessaire dans la panoplie du parfait démocrate, ne pourra échapper à ce contrôle excessif de la part de ceux qui, tout en déclarant souhaiter la participation des citoyens, craignent plus que jamais le contrôle en retour que pourraient exercer les citoyens sur leur pouvoir (9).


NOTES

(1) M. Koebel, Le Pouvoir local ou la démocratie improbable, Le Croquant, 2005.
(2) Il faut rappeler que la réalité – sociale, économique ou politique – n’est pas un donné mais un construit. Chacun se représente la réalité de manière différente, principalement en fonction de ses propres intérêts, et cela d’autant plus lorsque aucun principe précis n’est travaillé et mobilisé consciemment dans cette construction. Or les
intérêts dépendent des appartenances actuelles et passées, familiales, professionnelles, institutionnelles, politiques, etc. Il n’est alors pas anodin de se pencher sur l’appartenance sociale dominante des élus : celle-ci oriente fondamentalement les choix politiques locaux.
(3) Le principe de l’allégeance n’est pas la seule raison de cette absence de démocratie interne : là aussi, l’inégale distribution des compétences politiques joue un rôle discriminant dans la capacité à faire entendre sa voix.
(4) Source : Observatoire de la parité entre les femmes et les hommes, « Les modes de scrutin et la parité entre les femmes et les hommes ». Disponible sur www.observatoire-parite.gouv.fr
(5) Loi du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité. Les conseils de quartier sont décrits dans un chapitre intitulé « Participation des habitants à la vie locale ».
(6) Il peut paraître curieux de parler de cumul avec plusieurs mandats locaux pour les parlementaires. On croit souvent en effet qu’ils n’ont droit qu’à un mandat supplémentaire. C’est oublier que la loi sur le cumul des mandats laisse de nombreuses zones d’ombre, dont la plus importante est de ne pas compter les mandats intercommunaux dans le cumul.
(7) L. Blondiaux et S. Levêque, « La politique locale à l’épreuve de la démocratie », in C. Neveu (dir.), Espace public et engagement politique. Enjeux et logiques de la citoyenneté locale, L’Harmattan, 1999.
(8) C. Blatrix, « La pratique politique de l’enquête publique », in L. Blondiaux et al., La Démocratie locale. Représentation, participation et espace public, Puf, 1999.
(9) Il est en effet difficile de concevoir qu’un véritable changement puisse venir du législateur, puisque plus de 80 % des parlementaires qui votent les lois sont eux-mêmes des élus locaux.


Michel Koebel


Maître de conférences en sociologie à l’université Reims-Champagne-Ardenne, membre du laboratoire Analyse et évaluation des professionnalisations, il a publié Le Pouvoir local ou la démocratie improbable, Le Croquant, 2005.


Le référendum local sert-il la démocratie directe ?


Les secrets initiatiques ne prétendent pas toujours à la transcendance : dans le bwete misoko du Gabon,les initiés n’hésitent pas à avouer qu’il s’agit d’un mystère.

La consultation des électeurs (improprement appelée référendum, puisqu’il n’était que consultatif et non décisionnel) et, depuis 2004, le référendum local, peuvent être considérés à bien des titres comme l’exercice d’une démocratie directe. Ils donnent théoriquement la possibilité à l’ensemble des citoyens inscrits sur les listes électorales d’un territoire de donner leur avis sur une question importante concernant leur vie quotidienne et leur environnement immédiat. De plus, lorsqu’ils sont suffisamment nombreux à s’exprimer par ce vote (plus de 50 % des inscrits), le vote a force de décision.

Or les élus hésitent à les mettre en œuvre. Sur près de 37 000 collectivités, seuls 202 référendums communaux ont été organisés entre 1971 et 1993, puis leur nombre ne dépasse jamais quelques dizaines par année pour toute la France (le maximum est de 27 en 2003). Comme l’organisation relève d’une décision de l’exécutif local – traduisez : du maire –, ce sont bien les détenteurs du pouvoir local qui refusent de recourir au référendum. Les élus auraient-ils peur du verdict populaire ? Souvent, ils craignent une participation trop importante des minorités critiques et un désaveu de leur politique en cours de mandat. Cette forme de démocratie est souvent interprétée comme une remise en cause de la légitimité de leur élection et de leur qualité de représentant.

Quand le projet soumis au référendum ne passe pas, les élus parlent alors d’un « manque de pédagogie », pour expliquer que la population se trompe (on a vu se développer ce type de raisonnement en France, chez les élus au pouvoir et chez des journalistes politiques, quand il s’est agi d’interpréter les résultats du référendum pour la ratification du traité établissant une Constitution pour l’Europe en 2005). Dans la même logique, une forte abstention peut même être interprétée comme un assentiment au projet.

Les stratégies politiques qui sont à l’œuvre ressemblent alors plus à des stratégies de communication qu’à une volonté de partager avec les habitants le pouvoir de décider de l’avenir du territoire. Le référendum local est clairement un outil politique – rarement utilisé – au service du maire pour contourner une difficulté, pour conforter sa notoriété quand la victoire du « oui » (qui est stratégiquement la réponse attendue par le maire à la question qu’il pose) semble acquise ou encore pour faire parler de lui au-delà des limites communales. Ce fut par exemple le cas, en juin 2006, de Pierre Gosnat à Ivry-sur-Seine : le maire savait parfaitement que, en faisant voter les étrangers non européens de sa commune, son référendum (sur le maintien dans sa commune d’une maternité) serait invalidé par la préfecture. Il s’agissait clairement d’une opération médiatique, il l’affirmait d’ailleurs lui-même sur le site de la mairie : « Il s’agit d’amplifier le mouvement, (...) de porter le débat au niveau national. »
Michel Koebel


mots-clés


Démocratie représentative

Le pouvoir politique est délégué à une partie de la population. Généralement, les représentants sont élus démocratiquement.

Démocratie directe

Les décisions politiques sont prises directement par le peuple (en assemblée générale, à l’occasion d’un référendum…). Attention : la plupart des assemblées générales, notamment associatives, ne sont que des chambres d’enregistrement de décisions préalablement élaborées par les véritables détenteurs du pouvoir et ne relèvent en rien de la démocratie directe.

Démocratie participative

Dans le cadre d’une démocratie représentative,les décisions sont prises par les représentants élus avec la participation des citoyens, sous deux formes au moins : la prise en compte d’initiatives populaires ; la concertation avec les citoyens organisée par les détenteurs du pouvoir.

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