mardi 12 janvier 2010

Le pari chinois : se développer sans démocratiser

Le pari chinois : se développer sans démocratiser

Jean-Philippe Béja
La théorie voudrait que le développement économique, en favorisant l’émergence d’une classe moyenne solide, provoque la démocratisation. La Chine s’est engagée sur une autre voie, préservant son régime autoritaire tout en libéralisant son économie.

Le 4 juin 1989, les chars de l’Armée populaire de libération entraient sur la place Tiananmen, écrasant la statue de la « déesse de la démocratie » et mettant un terme violent au mouvement qui avait ébranlé la Chine depuis le 17 avril. Cette intervention violente a choqué l’opinion publique mondiale, et l’image d’un jeune homme se plaçant devant un char, symbole de la résistance non violente du peuple chinois, a fait le tour du monde. Aujourd’hui, la presse internationale n’a plus d’yeux que pour les taux de croissance faramineux de l’économie chinoise qui, à la fin de l’an dernier, s’est hissée au quatrième rang mondial. Pourtant, on ne connaît toujours pas le nom ni le sort de ce jeune homme sans doute le plus montré de l’histoire. Voilà un beau démenti aux théories qui affirment que le développement économique, en favorisant l’émergence d’une classe moyenne solide, provoque nécessairement la démocratisation.
Près de deux décennies après le massacre de Tiananmen, les hommes d’Etat français affirment qu’il faut oublier le passé (1) et collaborer avec la Chine, déclarant que ce grand pays trouvera sa propre voie vers la démocratie. D’ail leurs, les dirigeants chinois ne viennent-ils pas d’intégrer le concept de défense des droits de l’homme et le droit de propriété dans leur constitution (2) ?
Il n’est pas question ici de nier que les rapports entre l’Etat et la société ont beaucoup évolué au cours des dix-huit ans écoulés depuis le massacre de Tiananmen. Mais, tandis qu’au cours des années 1980, la direction du Parti communiste (PC) s’était posé à plusieurs reprises la question de la réforme du système politique et de l’espace à accorder à la société, elle s’est nettement raidie après les événements du printemps 1989, suivis de l’écroulement du mur de Berlin et de l’effondrement de l’Union soviétique.

Le cercle vicieux de l’autoritarisme

Ces événements ont conduit les dirigeants du PC chinois, au premier rang desquels Deng Xiaoping, l’homme qui avait lancé la politique de réforme et d’ouverture au lendemain de la mort de Mao Zedong, à mettre un terme aux réformes politiques, les tentatives de démocratisation lancées par le haut avec la collaboration de la société ayant abouti au Mouvement pour la démocratie du printemps 1989, qui faillit provoquer une scission du PC. Deng a alors décidé de renforcer les fondements du régime (post)totalitaire en imposant le maintien de l’hégémonie du PC et en interdisant la formation d’organisations autonomes dans les champs politique et social. Depuis 1989, la question centrale pour le PC consiste à empêcher une société en proie à des bouleversements sans précédent de faire changer le régime politique. On est passé du cercle vertueux de la démocratisation au cercle vicieux de l’autoritarisme.
Cependant, comme le socialisme ne faisait plus recette, Deng a cherché à refonder la légitimité du régime. Convaincu que les causes de l’effondrement de l’Union soviétique étaient à rechercher autant dans l’échec économique que dans la politique de glasnost de Mikhaïl Gorbatchev, il a choisi de fonder la légitimité du pouvoir sur le développement de l’économie, renouant ainsi avec le vieux rêve des dirigeants chinois depuis la guerre de l’Opium, consistant à faire de la Chine un pays puissant et prospère (fu guo qiang bing). Pour cela, il a dû surmonter l’opposition de ses collègues convaincus que la seule réponse à apporter au Mouvement pour la démocratie, considéré comme un épisode contre-révolutionnaire, consistait à revenir aux valeurs fondamentales du socialisme, notamment l’économie planifiée.
Dès 1992, il a réaffirmé sa volonté de relancer la réforme de l’économie, en piétinant au besoin les dogmes. Dans des déclarations demeurées fameuses, il a affirmé qu’il importait peu que les politiques « s’appellent socialistes ou capitalistes », l’essentiel étant qu’elles contribuent au développement. Cela s’est traduit par un nouveau pacte avec l’intelligentsia qui avait participé avec enthousiasme au Mouvement pour la démocratie.
Le contenu de ce pacte est le suivant : dans la nouvelle phase des réformes, où le développement des hautes technologies et du secteur des services (financier, import-export, etc.) sera essentiel, on aura besoin de la collaboration des diplômés du supérieur. Le Parti est prêt à les autoriser à créer des entreprises et à opérer dans un secteur privé qui disposera de garanties croissantes. Naturellement, cette nouvelle politique économique lésera les intérêts de larges couches de la population, notamment ceux des ouvriers et employés du secteur d’Etat qui devra être profondément réformé. Cela créera sans doute un mécontentement important risquant de menacer la « stabilité sociale ». Or celle-ci est essentielle si l’on veut que l’économie se développe (wending ya dao yiqie). Dans ces conditions, l’intelligentsia ne doit pas aider à donner une forme politique au mécontentement des exclus de la prospérité. Deng cherche à convaincre les intellectuels qu’il y a contradiction entre démocratisation et développement : s’ils veulent participer au développement, ils doivent abandonner la posture de porte-parole de la société auprès du pouvoir qu’ils ont adoptée pendant les années 1980. Et naturellement, en échange de la modération de leurs critiques, ils pourront améliorer considérablement leur situation matérielle.
Aussi étonnant que cela puisse paraître, la majorité des intellectuels a accepté ce pacte. Effrayés par les conséquences sociales et politiques de l’effondrement de l’URSS, la plupart d’entre eux, y compris ceux qui avaient été actifs au sein du Mouvement pour la démocratie, ont entrepris une réflexion critique sur leur action passée. Tout aussi désireux que les dirigeants du PC de faire de la Chine un pays puissant et prospère, ils se sont inquiétés rétrospectivement des conséquences de la démocratisation pour l’unité nationale. Cela les a conduits à considérer avec bienveillance le discours du pouvoir après 1992. Et puis, s’interrogeant sur les causes de l’échec du mouvement de 1989, ils ont blâmé la dépendance extrême de la société envers l’Etat. Leur raisonnement est le suivant : pour qu’une démocratie effective puisse s’instaurer, il faut que la société dispose d’une autonomie économique par rapport à l’Etat. Pour que des organisations autonomes puissent voir le jour, il faut que l’économie de marché connaisse un essor suffisant. Le Parti propose justement de la développer. Il y a donc convergence d’intérêts entre ceux qui, à terme, veulent instaurer la démocratie, et les dirigeants dont la principale préoccupation est de développer l’économie.
Contre leur collaboration, les autorités ont garanti aux chercheurs et aux professeurs une plus grande liberté d’expression dans leur domaine de compétence, à condition que celle-ci soit circonscrite aux revues académiques. Elles les ont autorisés à établir des contacts permanents avec leurs collègues étrangers, à poursuivre leurs recherches dans les universités occidentales, à publier dans les revues étrangères, en somme, à intégrer la communauté scientifique internationale. De plus, les salaires des professeurs du supérieur, encore misérables pendant les an nées 1980, ont été multipliés par dix. « Des universités de première classe reflètent de plus en plus la puissance générale d’un pays », déclarait Wu Bangguo, un membre du comité permanent du Bureau politique en 2005. Aujourd’hui, on recrute des enseignants chinois formés aux Etats-Unis et on leur donne d’excellentes conditions de travail et de recherches (3). Et au lieu que les intellectuels formés à l’étranger apportent les idées démocratiques dans leurs baga ges, c’est le contraire qui se produit : par patriotisme et pour ne pas risquer de perdre les avantages matériels qui leur sont offerts, ils s’abstiennent de critiquer le régime.

Les classes moyennes, soutien du pouvoir

On peut alors se lancer dans la réforme des entreprises d’Etat qui aboutit à la disparition du statut privilégié de leurs employés, notamment l’emploi à vie. Ainsi, le PC chinois, qui, officiellement, se veut l’avant-garde du prolétariat, représente de plus en plus les élites. L’ancien secrétaire général du PC Jiang Zemin a bien résumé la transformation intervenue avec sa théorie des « trois représentations », intégrée depuis dans la Constitution (4) : le Parti représente les « forces productives les plus avancées », à savoir non pas la classe ouvrière, mais les technocrates, les entrepreneurs, les dirigeants d’entreprises d’Etat, « la cultu re la plus avancée », à savoir les intellectuels et spécialistes, et « les intérêts du peuple tout entier » ce qui, pour un marxiste, est difficile à accepter lorsqu’on sait le rôle de la lutte des classes dans l’idéologie. Toutefois, le Parti ne relâche pas son contrôle. « Dans la nomination, le renvoi, l’éducation, la formation et l’évaluation du personnel dirigeant des entreprises (d’Etat), les garanties organisationnelles fournies par l’organisation du Parti sont indispensables (5). » La cooptation des élites fonctionne assez bien, et, dans un discours prononcé à l’occasion du 80e anniversaire du Parti en 2001, Jiang Zemin a encouragé les entrepreneurs privés à adhérer. Aujourd’hui, ceux-ci se refusent, comme la majorité de l’intelligentsia, à remettre en question la légitimité du pouvoir, car ils doivent leur prospérité à leur collaboration avec le Parti. Ainsi, ces classes moyen nes, dont nombre de spécialistes affirment qu’elles finissent toujours par exiger la démocratie, soutiennent au contraire le pouvoir. Fort de ce soutien, les autorités peuvent renforcer la répression à l’encontre des dissidents et des nationalistes des ethnies minoritaires (Tibétains, Ouighours).
Cette collaboration des élites au projet du Parti, qui rappelle celle de la bourgeoisie française avec Louis Napoléon Bonaparte à la suite des journées de juin 1848, a, comme dans ce précédent, porté ses fruits dans le domaine économique puisque depuis 1989, la Chine a connu un taux de croissance annuel d’environ 10 %. Mais celui-ci s’est accompagné d’un développement impressionnant des inégalités sociales. Entre 1997, date du début de la réforme à grande échelle des entreprises d’Etat, et 2001, on estime que près de 40 millions d’ouvriers et d’employés ont perdu leur emploi et une partie des avantages sociaux qui vont avec. Dans le même temps, l’exode rural s’est considérablement accéléré, et on compte aujourd’hui dans les cités chinoises plus de travailleurs d’origine rurale (mingong), ces artisans du « miracle chinois », que d’employés et d’ouvriers des entreprises d’Etat. Les mingong, dont on évalue le nombre à 100 ou 150 millions, sont victimes d’une discrimination administrative : originaires des campagnes, ils n’ont pas automatiquement le droit de s’installer en ville car seuls ceux qui disposent d’un contrat de travail et d’un logement peuvent obtenir un permis de séjour provisoire (zanzhuzheng). Ces documents étant difficiles à obtenir, la plupart des travailleurs d’origine rurale sont en situation irrégulière, ce qui les prive de toute protection sociale et les met à la merci des autorités. Ni les ouvriers des entreprises d’Etat, ni les mingong ne peuvent fonder des organisations autonomes pour défendre leurs droits. Ils se trouvent dans une situation de grande faiblesse et en 2003, le montant des salaires non payés aux mingong a atteint 12 milliards de dollars (6) ; en 2006, le Premier ministre Wen Jiabao a reconnu la gravité de la situation. Malgré cela, les tentatives de création de syndicats autonomes sont toujours réprimées brutalement, les organisateurs sont condamnés à de lourdes peines de prison.

La justice, subordonnée au politique

Ainsi, le développement rapide de l’économie a abouti à un développement exponentiel des inégalités : au cours du dernier quart de siècle, les campagnes se sont appauvries, et alors que le revenu par tête dans les villes était de 2,57 fois celui des habitants des campagnes en 1978, il lui est aujourd’hui 3,21 fois supérieur. Le coefficient Gini qui permet de mesurer les inégalités est passé de 0,26 en 1987 à 0,53 (ou 0,45 selon les calculs) en 2004 (7), plus haut que celui des Etats-Unis, de la Grande-Bretagne, de la Corée du Sud où il atteint 0,3 ou 0,4, juste en dessous de celui du Chili et du Brésil (0,55-0,59). Cette situation provoque naturellement du mécontentement social. Les autorités ont reconnu qu’en 2005, il y avait eu 87 000 protestations collectives, contre 74 000 en 2004, 58 000 en 2003 et 10 000 seulement en 1994 (8). Ces mouvements sont souvent le fait de paysans privés de leurs terres par des gouvernements locaux qui se livrent à la spéculation immobilière, de ruraux qui s’élèvent contre des dégradations graves de l’environnement (pollution des eaux au plomb, pollution de l’air par les cimenteries), et contre la corruption des cadres des districts et des cantons. Les ouvriers licenciés et, depuis peu, les ouvrières d’origine rurale qui travaillent dans les usines du Guangdong se mobilisent aussi contre les patrons qui les consignent dans les usines, et dans bien des cas, ne les paient pas. Cela ne signifie pas cependant automatiquement que la situation s’est aggravée, mais peut-être que l’information circule mieux qu’il y a dix ans.
Depuis quelques années du reste, on assiste à un certain changement d’attitude au sein des élites. Inquiets de voir ces facteurs d’instabilité se multiplier, les dirigeants du Parti et du gouvernement Hu Jintao et Wen Jiabao, qui ont succédé à Jiang Zemin et Zhu Rongji en 2002 et 2003, ont adopté un discours plus populiste. Ils affirment leur volonté de défendre les intérêts des « groupes vulnérables » et demandent que l’on fasse plus de cas de leurs droits. Ce nouveau discours ne s’est pas traduit par une amélioration palpable de la situation des travailleurs, et l’hostilité des autorités aux syndicats autonomes ne s’est pas relâchée. Toutefois, il a ouvert un certain nombre de brèches dans lesquelles des intellectuels, notamment des juristes, des avocats et des journalistes, se sont engouffrés. Depuis 2003 environ, on assiste au développement d’un mouvement de défense des droits (weiquan yundong). Prenant les autorités au pied de la lettre, des avocats aident les paysans victimes de spoliation, les ouvriers qui ne reçoivent pas leur salaire, mais aussi les investisseurs escroqués par des compagnies dirigées par des parents de cadres, à obtenir réparation devant les tribunaux.
Toutefois, la justice reste subordonnée au pouvoir politique, notamment par l’intermédiaire des équipes chargées du droit (zhengfa xiaozu) que l’on retrouve dans tous les comités du Parti à partir du niveau du canton. Il est rare qu’elle donne satisfaction aux plaignants et ceux-ci recourent souvent à des actions illégales. Mais pour la première fois depuis 1989, on a vu à nouveau des intellectuels se retrouver aux côtés des simples travailleurs pour réclamer un meilleur respect des droits de l’homme, et l’établissement d’une véritable citoyenneté.
Cela n’a pas conduit le régime à s’ouvrir au pluralisme, et on peut même dire que depuis vingt ans, le pouvoir du Parti s’est renforcé sur le champ politique et même sur le champ sociétal. Ainsi, la religion, qui s’est beaucoup développée dans la société chinoise depuis une décennie, fait l’objet d’une surveillance de tous les instants, notamment depuis qu’en 1999 un groupe religieux, Falungong, a montré qu’il pouvait mobiliser un grand nombre de citoyens.
Le développement économique n’a donc pas, contrairement aux prévisions de certains théoriciens optimistes, conduit à une démocratisation du régime. Mais la société a beaucoup changé, et les simples citoyens sont de plus en plus conscients de leurs droits. Ils trouvent des professionnels qui sont prêts à les aider à se défendre. Si, contrairement à ce qui se passait pendant les années 1980, on ne rencontre pratiquement plus de discours politiques alternatifs dans la sphère publique, la société échappe de plus en plus au contrôle du Parti. Même si le pouvoir est parvenu à ce jour à maintenir un contrôle efficace sur les organisations non gouvernementales par le biais d’une législation qui les contraint à s’enregistrer auprès des autorités, il ne peut empêcher l’existence de réseaux autonomes. Internet et les nouveaux moyens de communication facilitent la circulation de l’information. Les dissidents apparus au lendemain de la répression du Mouvement pour la démocratie de 1989 ne sont certes pas parvenus à constituer une opposition politique. Arrestation et condamnation de l’avocat Gao Zhisheng, du défenseur des droits Chen Guangcheng…, tous ces mouvements sont aujourd’hui en proie à la répression. Mais ils pourraient bien, dans l’avenir, jouer un rôle dans la renaissance d’une opposition.


NOTES

(1) Voir les déclarations de Jacques Chirac au cours de son voyage en Chine en octobre 2006.
(2) Ces deux amendements ont été adoptés par l’Assemblée populaire nationale en mars 2004.
(3) H. French, « China luring foreign scholars to make its universities great », New York Times, 28 octobre 2005.
(4) Lors d’un amendement de mars 2004.
(5) Éditorial du Quotidien du peuple, 17 novembre 1999.
(6) F. Koller, « L’envers du décor », Alternatives interna tionales, 8 janvier 2007. www .alternatives-internationales. fr/article.php3?id_article=38
(7) Zhu Qingfang, « Social and economic indicators: analysis and assessment », Shehui lanpishu 2006 (Livre bleu sur la société 2006), Pékin, Shehui kexue wenjian chubanshe, 2006.
(8) I. Wang, « Incidents of social unrest hit 87,000 », South China Morning Post, 20 janvier 2006.

Jean-Philippe Béja


Directeur de recherche au CNRS/Céri. Dernier ouvrage paru : À la recherche d’une om bre chinoise. Le mouvement pour la démocra tie en Chine (1919-2004), Seuil, 2004.


La corruption, maladie incurable


Lors du sixième plenum du XVIe Comité central en octobre 2006, le Parti communiste (PC) chinois s’est engagé à édifier une « société harmonieuse »(hexie shehui). Pour y parvenir, il faut naturellement « met tre l’homme au centre » (yiren wei ben) mais aussi, et surtout, lutter contre la corruption. Celle-ci fait des ravages dans l’ensemble de la société chinoise. Des cadres de canton qui détournent les sommes accordées aux paysans en compensation de la réquisition de leurs terres pour la construction d’un barrage (cas du barrage des Trois-Gorges), en passant par les responsables de villa ge qui confisquent les champs des paysans pour se livrer à la spéculation immobilière, jusqu’aux dirigeants de banques qui partent à l’étranger avec des millions de dollars, ce fléau n’épargne aucun niveau de la société. Une enquête menée l’an dernier sur quarante cadres supérieurs qui avaient disparu a montré qu’ils étaient partis à l’étranger avec 5,2 milliards de dollars investis dans 14 pays, dont 21 % aux Etats-Unis. Certains analystes estiment que le blanchiment de l’argent détourné représente de 2 à 4 % du PIB de la Chine (1).

Cette corruption incontrôlée provoque un cynisme généralisé dans une population déjà démoralisée. Les dirigeants du Parti et du gouvernement Hu Jintao et Wen Jiabao ont beau promettre qu’ils n’hésiteront pas à sévir jusqu’au plus haut niveau, on ne les croit pas. En effet, les commissions de contrôle de la discipline font partie de l’appareil du PC, et ne disposent d’aucune indépendance. Dans ces conditions, les citoyens ont plutôt l’impression que ce sont les lampistes qui paient, et que, lorsqu’un cadre dirigeant comme le maire de Shanghai, Chen Liangyu, est condamné, on a plutôt affaire à une lutte pour le pouvoir – Hu Jintao cher che, c’est bien connu, à se débarrasser de la « ban de de Shanghai » liée à son prédécesseur Jiang Zemin, qui, en son temps, avait arrêté le maire de Pékin pour prévarication – qu’à une volonté réelle de mettre un terme à la corruption.

Ce phénomène si largement répandu ronge la légitimité du Parti, et il est fort peu probable que la nouvelle direction obtienne de meilleurs résultats que celles qui l’ont précédée.


NOTE

(1) G. Lees, « Chen case sheds light on China’s money laundering problem », World Politics Watch, 5 octobre 2006. http://worldpoliticswatch.com/article.aspx?id=237#

Jean-Philippe Béja

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